Ma sœur,
Je tiens aujourd’hui à me confesser auprès de vous pour avoir, dimanche 29 mars dernier, commis un péché dont le poids ne cesse de peser sur ma conscience. Profitant du fait que j’étais seul dans l’isoloir d’une mairie du canton de Rambouillet, je me suis livré à l’exercice solitaire que toute âme bien-pensante réprouve d’ordinaire à savoir, faire pénétrer brutalement et sans la moindre protection ce à quoi vous pensez dans l’enveloppe de vote qui m’avait été fournie… Oui, dimanche dernier, j’ai glissé un bulletin de vote au nom de Christine Boutin dans l’urne, balayant ainsi mes convictions, moi qui vote à gauche depuis près de 50 ans…
Comment en-suis-je arrivé là ?
Et bien tout simplement parce que face à Christine Boutin il n’y avait plus qu’un candidat du FN. On ne peut pas dénoncer la politique cynique du ni-ni de Sarkozy et refuser d’opérer un choix entre le candidat FN et celui soutenu par l’UMP, fut-elle en l’occurrence, Christine Boutin. N’en déplaise à nombre de vos supporters et électeurs, ma sœur, il existe des différences essentielles de valeurs entre le FN et le PS, comme j’espère encore qu’il en subsiste entre le FN et l’UMP, bien que ça devienne de moins évident chaque jour…
Oui, j’ai choisi de voter Charybde pour échapper à Scylla. Au risque de ne pas vous faire plaisir, je n’ai pas voté pour vous mais contre l’autre. J’ai refusé l’enfer de l’extrême-droite mais ce n’est pas pour autant qu’en votant pour vous, j’aurais choisi le ciel. Ni même le purgatoire mais tout au plus, une purge notoire dont les postures moralisatrices consternantes prêtent parfois à rire mais souvent à pleurer… Tant pis, j’assume ce vote.
Pour autant, je continuerai à me battre pour une vraie laïcité républicaine, contre les intégristes de tous bords et ceux qui les manipulent. Je continuerai à bouffer du curé en soutane et rangers, de l’imam radical, du rabbin xénophobe… sans oublier la grenouille de bénitier dont le fait d’avoir mis son bulletin dans l’urne m’a particulièrement ouvert l’appétit !
Bien entendu, en me confessant ainsi à vous, ma sœur, je ne demande pas une absolution dont je n’ai cure (pour utiliser un mot de votre vocabulaire). Tout au plus, j’espère que dans votre fonction de conseillère départementale, vous saurez vous démarquer de ceux qui préconisent les absolues solutions, voire les solutions finales pour se débarrasser de boucs émissaires qu’ils n’ont de cesse de désigner à la vindicte populiste.
A l’occasion cependant, si d’aventures il vous arrivait de croiser le petit cynique de l’UMP qui a perdu tout sens de la morale politique, dites-lui de ma part que si jamais par malheur, il se retrouvait face à Madame Méduse Le Pen au deuxième tour de la présidentielle de 2017, nous serions très nombreux à pratiquer la politique du ni-ni puisqu’il est devenu évident qu’entre ces deux-là, il n’existe pas de réelle opposition de valeurs.
A vous lire,
Pour « la hune (http://www.lahune.org/)
Dominique Rossignol