Sors de ce corps, Belzébuth Jean-Marie ! C’est ce qu’a fait dire Marine Le Pen au Bureau exécutif du FN. La mise en scène du spectacle était fin prête et la distribution des rôles affichée : Le FN, c’est le corps dont doit sortir le diable, le diable ou la brute, incarné par le père Jean-Marie, les deux belles ( ?), ce sont les blondes Marine et Marion qui, chacune à leur manière, espèrent tirer quelques marrons du feu…
La dédiabolisation du FN passe ainsi par le meurtre du père fondateur, nouvelle et éclatante illustration des propos de René Girard. La victime émissaire désignée est le roi déchu dont le sacrifice doit permettre la régénération du peuple. Les soubresauts du vieux roi le 1er mai dernier ne changeront rien, qu’il s’agisse du « au secours Jeanne ! » ou de la pathétique apparition sur scène en tournant ostensiblement le dos à la fille parricide. Tout au plus faudra-t-il considérer que le président d’honneur du FN s’est fait plaisir en prenant le rôle de président du bras d’honneur à sa progéniture qu’il a aussitôt déshéritée politiquement, en attendant mieux…
Parce qu’au risque de se répéter, il n’y a rien de neuf sous le soleil ; les propos tenus par Le Pen n’ont pas changé depuis des décennies et ils ont nourri sa famille et ses partisans depuis toujours. S’ils n’ont plus cours aujourd’hui, c’est principalement parce que le FN version bleu- marine envisage à court terme la prise de pouvoir par les urnes, à l’inverse du FN canal historique qui poursuivait l’objectif d’une restauration de l’extrême-droite version 1934 relookée OAS. Si la stratégie du père et celle de la fille sont antagonistes, les ressorts qui les sous-tendent demeurent les mêmes à savoir la xénophobie, le populisme, le nationalisme exacerbé, la haine du musulman de la fille se substituant à l’anti sémitisme du père. Peu importe alors l’absence totale de crédibilité du programme économique et social, l’essentiel étant de convaincre les naïfs qu’il fera beau demain.
Ceci étant, Marine et Marion vont être dans le même bateau mais ce n’est pas pour autant que la croisière s’annonce sereine : La fille et la nièce vont sans doute assez rapidement avoir des sujets de discorde et pas seulement à propos de l’âge du vieux capitaine qu’on aura mis à fond de cale. Tant qu’il était le maître du parti, ce dernier avait pu contenir tant bien que mal les mutineries mais assez rapidement, l’éviction ou la mise à l’écart du père seront reprochées à la fille qui va devoir faire face à des appétits aiguisés de prise de pouvoir au sein de sa propre formation. Là où le père pouvait jouer du bâton et exclure qui bon lui semblait au mépris de toute règle démocratique -puisqu’il ne se revendiquait ni comme démocrate, ni comme républicain - la fille qui veut donner une image dédiabolisée de son parti sera obligée de donner quelques gages pour être crédible et ce n’est pas gagné ! L’autoritarisme dont elle a fait preuve au cours de cette séquence laissera des traces chez nombre de militants FN qui n’ont pas oublié qu’elle devait sa carrière à son père.
Bien entendu, la marine espère toujours couler le bateau UMP en se démarquant d’une posture extrême pour attirer les rats quittant le navire. A tribord, toute, clame de son côté le quartier maître Sarko qui espère toujours de son côté reprendre des voix au FN, sachant que la marginalisation du père Le Pen n’est pas forcément une bonne nouvelle pour lui puisque le marché de la droite dure devient ainsi extrêmement concurrentiel…
En attendant, le père Le Pen, toujours aussi à l’aise pour jouer les victimes devant les caméras, va continuer à jouer sur la corde sensible qui pour une fois, pourra être qualifiée de corde du suspendu.
dr