Y-aura-t-il de la modification de la Constitution à Noël ? à Pâques ? à la Trinité ? Rien n’est certain pour le moment, en dépit d’un vote à l’Assemblée qui s’est un peu mieux passé pour l’exécutif qu’il ne le redoutait. Mais reprenons les choses en quelques mots.
Constitutionnaliser l’état d’urgence, le débat méritait autre chose que des incantations sur les libertés sacrifiées sur l’autel sécuritaire ou les propos totalement incongrus de Cécile Duflop évoquant le régime de Vichy. Cette dernière s’est vraiment déconsidérée et le mieux à retenir de son ouvrage vendu à quelques centaines d’exemplaires, c’est qu’il n’aura pas fallu abattre beaucoup d’arbres pour fabriquer le papier nécessaire au tirage. Au moins, pour l’occasion, Cécile Duflop littéraire aura fait un geste écologique.
Sur le fond, on ne peut oublier que le fondement du contrat social repose depuis toujours sur le fait que les membres d’une communauté humaine n’acceptent de renoncer à une part de liberté au profit d’un seigneur, d’un souverain ou d’un Etat qu’en échange de la sécurité que ce dernier leur procure. On peut discuter des conditions de mise en œuvre de l’état d’urgence, de la nécessité de l’encadrer, de combattre les risques de dérive, de protéger contre vents et marées la liberté de la presse, les droits de la défense de tout individu, quel qu’il soit. Tout doit être discuté au fond, en tenant compte du fait que le terrorisme n’est pas une lubie, que plusieurs centaines de jeunes Français sont partis en Syrie et qu’un certain nombre d’entre eux souhaitent revenir avec de la haine à l’état brut en guise de neurones. Tout ceci mérite mieux que des postures politiciennes, d’où qu’elles viennent d’ailleurs.
La déchéance de nationalité, c’est autre chose. Robert Badinter a d’une façon lumineuse et peu discutable montré à quel point sa constitutionnalisation était inutile et totalement inefficace. Personne ne peut sérieusement croire que cela peut renforcer la sécurité des citoyens, personne ne peut imaginer que cette déchéance ait un effet dissuasif à l’encontre de terroristes. L’exécutif sait parfaitement cela et l’objectif poursuivi et non explicité était tout autre, à savoir utiliser le symbole de l’appartenance à la communauté nationale pour renforcer l’unité des citoyens... avec éventuellement un profit politique à en tirer. Raté. Les arrière- pensées politiques ont rapidement émergé et le débat a ainsi échappé à toute rationalité, chacun se drapant dans la dignité d’une posture symbolique que cette déchéance de nationalité, là encore, ne méritait évidemment pas.
Parce que derrière ces postures symboliques se cachent sournoisement les appétits de pouvoir qui commencent à gangréner furieusement l’intérieur de la gauche de gouvernement comme celui de la droite républicaine ! A gauche, et puisque le refus d’une primaire émane aussi bien de l’exécutif que du Front de Gauche, certains misent probablement déjà sur une défaite dès le premier tour de 2017 avec l’arrière-pensée de la recomposition dont ils se voient les artisans. A droite, les postures sont soigneusement élaborées en vue des primaires de fin d’année : Sarkozy, entre deux animations de supermarchés, s’emploie à coller au plus près au discours du FN en vue de ramasser les voix de la droite la plus dure à l’occasion de primaires qu’il souhaite évidemment le moins ouvertes possibles, voire à peine entrebâillées… surtout au vu des derniers sondages assez peu flatteurs. Fillon prend évidemment le contre-pied de Sarkozy dont il doit absolument se démarquer pour espérer figurer honorablement et, pourquoi pas si Sarko renonçait, devenir l’outsider d’un Juppé qui pourrait s’user, espère-t-il. Quant à Juppé, fidèle à sa posture de sage, il tente de rester au-dessus de la mêlée et se dit prêt à voter une déchéance que lui, n’aurait pas tenté de constitutionnaliser…
Et comme le Sénat et l’Assemblée ne sont pas prêts à voter un texte dans des termes identiques, condition pour que le Congrès puisse être appelé à voter une réforme de la Constitution, la déchéance de nationalité attendra et des séances d’irrationalité continueront à se dérouler devant des bancs à moitié remplis de parlementaires ennuyeux…
Et à ce propos, l’entrée d’Emmanuelle Cosse au gouvernement semble bien être le signe avant-coureur de l’enterrement à venir de la réforme Constitutionnelle, Emmanuelle qui n’hésitait pas à confier il y a quelques semaines à propos de la déchéance : « Sincèrement, c’est scandaleux et extrêmement inquiétant. Si nous faisons ça, nous tombons exactement dans le piège que veut nous tendre Daech. Ce serait inefficace voire contre-productif pour lutter contre le terrorisme,… »
Deux nouveaux écologistes au gouvernement, je connais quelques verts qui doivent être cramoisis de colère. Les deux nouveaux ministres seront-ils des verts à moitié pleins ou à moitié vides ? On espère surtout qu’ils ne seront pas creux.
dr