Bonne année d’abord à tous les lecteurs de « la hune »… souhaitons nous à tous l’envie de lire, d’écrire, de partager et de résister aux assauts de populisme et de démagogie en tous genres qui prennent de plus en plus de place dans l’espace médiatique…
A propos de vœux, nous avons eu droit avant l’heure, à ceux de Nicolas Sarkozy… toujours pressé d’apparaitre devant les autres, notre petit agité s’est adressé aux Français dans un discours tout en nuances comme d’habitude, rappelant les origines chrétiennes de la France, bref, discours orienté vers la droite extrême pour tenter de s’en assurer le concours en vue de gagner la primaire des répus. A force de souffler le chaud sur les électeurs FN et le froid sur ses dirigeants, Sarkozy s’enrhume et passe chaque jour un peu plus de l’état nerveux à celui de morveux. Alors, à vos souhaits, les répus !
En temps et en heure, François Hollande a présenté lui aussi ses vœux… Rien à dire sur la forme dénuée de toute emphase, et sur le fond, des promesses auxquelles tous voudraient croire, sur le plan de la formation, de l’emploi et de l’économie. Attendons la déclinaison qui sera faite de ces promesses dans les premiers jours de janvier. Quant aux questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme, on voit mal comment ne pas partager ce que le Président a décrit des incertitudes dans lesquelles nous sommes condamnés à demeurer encore…
Mais là où le bât commence sérieusement à nous blesser, c’est lorsque le Président persiste dans ses déclarations sur la déchéance de nationalité pour les binationaux jugés et condamnés pour actes terroristes. Là, semble-t-il, commence l’enfumage. N’importe qui, même un électeur du FN, peut comprendre que cette mesure n’aurait aucun effet dissuasif sur des terroristes qui depuis longtemps, n’éprouvent aucun attachement pour la communauté nationale. On pourrait même imaginer que cela ne pourrait que les exciter dans la haine qu’ils vouent à cette communauté. Personne, même un électeur du FN, ne peut croire que cette mesure présentée comme faisant partie de la lutte anti-terroriste, ait une quelconque efficacité en termes de répression, un kamikaze se souciant en général assez peu de la couleur de son passeport une fois qu’il s’est fait exploser. Cela, nos gouvernants le savent évidemment.
Quel pourrait donc être la raison cachée de cette mesure qui, si elle heurte une partie de la gauche, semble recueillir l’approbation de plus de 80% de Français ?
S’il s’agit de susciter un sentiment d’unité nationale autour de « valeurs » pour rejeter quelques égarés criminels, le jeu ne vaut pas la chandelle ou plutôt, il fait courir le risque de brûler très douloureusement les doigts de ceux qui sont attachés à l’état de droit. Ce type de mesures segmente les Français en « purs » Français qui, comme vous et moi, n’ont qu’une nationalité, et binationaux d’autre part. Mais si par malheur, Le FN parvenait au pouvoir un jour (ce n’est plus une hypothèse d’école), on devine l’usage qu’il pourrait en faire. Fachorian Philippot ne s’en est d’ailleurs pas caché ces jours derniers sur les antennes de France Info : il estime souhaitable que cette mesure puisse être étendue notamment à ceux qui sont soupçonnés d’appartenir à la mouvance radicale, en dehors de toute condamnation par un juge. Il se rapproche, le moment où on pourra à nouveau dénoncer son voisin de palier parce qu’on le « soupçonnera », comme au bon vieux temps du maréchal-nous-voilà !
Ce n’est pas pour autant que je m’associe aux cris d’orfraie d’une partie de la gauche qui brandit l’étendard des « valeurs » bafouées de la République contre un exécutif qui entend brandir celui des « valeurs » de la patrie. Cette justification par les « valeurs » m’exaspère au plus haut point, au même titre que les dogmes religieux sur lesquels certains s’appuient pour justifier je ne sais quelle charria ou quelle manif pour tous. Faire de la politique autrement, ça commence par faire un grand ménage dans les dogmes et idéologies. Sur le plan de l’action syndicale, ça fait longtemps qu’une organisation comme la CFDT l’a compris en contribuant très efficacement à des avancées sociales incontestables, en sachant au besoin écorner quelques pages désuètes du Code du Travail.
D’aucuns imaginent que le véritable dessein de l’exécutif dans cette affaire, serait de contribuer à faire exploser la gauche et la droite, de manière à faire émerger une force modérée n’excluant que les extrêmes. Cette force pourrait mener une politique fondée sur un contrat de gouvernement, sur la base de compromis entre acteurs économiques, sociaux et politiques recueillant l’assentiment d’une majorité indiscutable. Pourquoi pas en effet, mais avec un inconvénient majeur qui est celui de la Constitution de la 5ème République qui ne permet pas en son état actuel d’envisager une perspective de ce type dans la durée.
Pour l’heure, le projet de modification de la Constitution se limite pour l’essentiel à réformer l’état d’urgence et la déchéance de nationalité. En l’état actuel, il n’est pas certain qu’il soit voté par le Parlement et il existe un risque non négligeable pour que les vœux du Président fassent place à un désaveu qui lui serait infligé par ses propres soutiens.
Comme quoi, jouer avec des allumettes est un jeu aussi dangereux pour François Hollande que celui qui consiste à brasser du vent en plein courant d’air pour les morveux.
Alors, attention, Monsieur le Président, Atchoum !
dr